« Surtout le bleu » dans l’Enfer vert

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Les clichés ont la vie dure. (Cette phrase est elle-même un cliché…)

Ainsi, l’Amazonie était avant tout pour nous la forêt amazonienne, c’est à dire « l’Enfer vert » : de la végétation impénétrable recouvrant des centaines de milliers d’hectares et grouillante d’animaux aussi nombreux que dangereux. Certes, nous avions vu des photos d’Alter do Chão avant d’arriver au Brésil mais nous l’envisagions comme une sorte d’oasis dans un environnement hostile. Il est grand temps de réviser ces préjugés.

En provenance de Belém, notre bateau fait escale à Santarém le mardi 23 août vers 3h du matin après 55 heures de navigation. Heureusement, l’escale est très longue et nous pouvons terminer notre nuit dans nos hamacs en ne débarquant que vers 7h. Nous avons tout le temps de prendre un petit-déjeuner au marché avant de monter dans un bus pour Alter do Chão.

La réalité est au moins aussi saisissante que les photos que nous avions pu voir : une lagune est presque entièrement séparée du Rio Tapajós par un large banc de sable très clair qui se termine à quelques dizaines de mètres en face de la place principale. Il suffit de descendre quelques marches pour embarquer avec un des nombreux bateliers et atteindre la succession de paillotes installées sous les arbres et les cocotiers de cette grande plage à double face. Précisons que l’eau est relativement claire et transparente, surtout comparées aux eaux boueuses de l’Amazone. Même si elle n’est pas tout à fait aussi « cristalline » que le vantent les habitants, le soleil et les reflets du ciel complètent le tableau et justifient le surnom de « Caraïbes de l’Amazonie » !

L’ambiance, paisible et détendue, est en tous points celle d’une petite cité balnéaire familiale. Pour la première fois au Brésil, on nous indique que nous pouvons nous promener partout et à toute heure sans avoir à être sur nos gardes. D’ailleurs, un signe ne trompe pas : ici, pas de clôtures électriques ou de barbelés au-dessus des murs qui sont d’ailleurs le plus souvent remplacés par des murets.

Depuis que nous en avons entendu parler à Belém, notre objectif est de passer quelques jours à Jamaraquá, une communauté de quelques familles installée sur le Tapajós à 75km de Santarém, à l’entrée du parc de la Forêt Nationale (FLONA) du Tapajós. Les agences de tourisme ne nous proposent que des formules hors de prix pour nous y rendre par le fleuve, sauf à ce que d’autres personnes se joignent à nous pour partager l’addition. Pendant deux jours, nous attendons cet hypothétique renfort mais nous ne voyons rien venir (que le soleil qui poudroie et la forêt qui verdoie).

Il y a des lieux plus désagréables pour attendre Godot mais nous devons réviser nos plans : soit nous tirons un trait sur Jamaraquá, soit nous nous y rendons par nous même. Bien évidemment, si nous insistons tellement sur ces péripéties, c’est parce que nous choisissons la seconde solution !

Vendredi 26 août, retour donc en bus à Santarém pour y prendre l’unique car quotidien qui nous amène à destination après de longs détours et d’innombrables arrêts. C’est beaucoup plus long et moins beau que si nous avions fait le trajet en bateau sur le Tapajós, mais cela permet de mieux comprendre le quotidien des habitants. Accessoirement, c’est aussi 20 fois moins cher !

A Jamaraquá, nous sommes accueillis à la descente du car par Pedrinho qui gère l’une des deux « pousadas » de la communauté. Il s’agit d’un grand bâtiment en bois de deux étages avec un toit en feuilles de palmier construit sur pilotis… sur la plage ! Il existe un certain nombre de chambres avec des lits mais nous avons pris goût au hamac et nous installons les nôtres sur le pallier, avec vue sur le rio… Nous sommes en basse saison touristique et aurons l’impression d’avoir le bâtiment et souvent même la plage pour nous seuls durant presque tout séjour. Et, la nuit, même la Voie lactée !

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En arrivant, nous nous baignons et admirons les petits papillons qui font des tâches jaune-vert sur le sol en se posant tous au même endroit (sans doute pour boire). Nous avons ensuite droit à un coucher de soleil somptueux tandis qu’un couple de grands pics à tête rouge (de Malherbe ?) s’efforce de défendre son nid contre l’incursion de trois toucans (sûrement des araçaris grigri) qui en voulaient à leurs œufs ou à leurs petits. Les assaillants sont repoussés ce premier soir mais ils mèneront un nouvel assaut le lendemain à la même heure, dont ils sortiront victorieux.

Samedi, nous partons vers 8h randonner en forêt. Le circuit de 4h nous mène à travers la forêt secondaire (qui a subi l’action de l’homme) vers la forêt primaire, la fameuse forêt vierge… Notre plus grande surprise est que ça ressemble à une balade en forêt « bien de chez nous » ! Bien sûr, il y a quelques lianes et les grandes fougères sont remplacées par des palmiers nains. Bien sûr, les arbres sont différents : ipé, manguier, tant d’autres dont nous ne connaissons pas les noms et, partout, des hévéas scarifiés par les seringueiros. Mais visuellement, nous ne nous sentons pas dépaysés : rien à voir avec ces entrelacs végétaux inextricables que nous imaginions. Quant aux animaux, cette partie de forêt ne semble pas très riche, mis à part quelques magnifiques papillons. En fait, les abords du village semblent plus riches et, même si nous ne les voyons pas, nous y entendons de nombreux oiseaux et quelques singes. Nous retournons à nos rêves de Robinson sur la plage quasi-déserte.

Le lendemain après-midi, nous connaissons notre plus gros coup de cœur depuis le départ : une excursion en barque dans la « forêt inondée » : la saison des pluies, de janvier à juin, inonde les berges les plus basses et la forêt s’en accommode plutôt bien. Notre guide rame à l’avant du canot et nous explique qu’à tel endroit, où nous passons avec un mètre d’eau sous le bateau, le village retrouvera bientôt un terrain de football. Nous avançons en silence dans un paysage extraordinaire qui nous semble presque magique. Nous nous régalons à observer une multitude d’oiseaux et nous terminons en apothéose en découvrant une petite colonie de hoazins huppés. Ces gros oiseaux criards avec leurs faux airs d’archéoptéryx pourraient être la plus ancienne espèce d’oiseaux encore vivants. Il est difficile de mettre des mots sur nos émotions lors de cette excursion mais espérons pouvoir les partager un peu avec vous avec une vidéo.

9 Comment

  1. Fagnart says:

    Vous rajoutez un point énorme dans ma liste de lieux à voir, encore, au Brésil. C’est magnifique!
    Merci merci et des bisous, surtout!
    S.
    (et maintenant qu’il n’y a plus de caïpis, vous pouvez boire des coups à notre santé au pisco, hein, ça marche aussi!)

    1. Nolwenn says:

      Oui oui l’Amazonie c’est top ! 🙂
      Et comme nous sommes disciplinés, nous avons bu du pisco à votre santé ce soir ! (merci pour la bonne excuse !)
      Bisous

      1. Sylvie says:

        Ha ha! Mais je crois que vous n’avez jamais besoin d’excuses, coquins!
        Vivement vous lire encore, je me régale avec vos billets (super style et syntaxe impeccable, comme il se doit!)

  2. Marilyn says:

    C’est magnifique ! On voyage avec vous !! Bonne continuation.

    1. Nolwenn says:

      Merci Marilyn, ça fait plaisir 🙂

  3. Manu says:

    Les photos sont toujours aussi belles…on voyage avec vous. C’est splendide. Mille mercis

    1. Nolwenn says:

      Merci Manu !

  4. Delphine says:

    Des aventures et du rêve.. Merci pour vos récits comme les splendides photos qui nous font voyager avec vous et nous sentir plus proches! Des bisous.
    Finette

    1. Nolwenn says:

      Merci Finette ! Nous sommes contents de t’embarquer dans nos aventures 🙂 Bisous

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